agenda
L’EXPO
TEXTE _Jacques LUCCHESI
André Masson
de Marseille
à l’exil américain
au Musée Cantini
Le peintre
P
eu de peintres, comme André Masson (18961987) ont été autant associés à des mouvements
et des personnalités littéraires. André Breton, bien
sûr, mais aussi Georges Bataille, Micheil Leiris,
Georges Limbour ou Antonin Artaud, firent
souvent appel à lui pour illustrer leurs ouvrages et
leurs revues. Entre eux, il y avait sans doute de l’amitié, mais aussi une communauté intellectuelle façonnée par l’expérience de la Grande Guerre et des
multiples soubresauts qui agitèrent l’Europe durant
la première moitié du XXème siècle. Car l’art d’André
Masson, même s’il est souvent traversé par l’humour
et l’érotisme, bruisse des tragédies dont il a été la victime et le témoin inspiré. Esthétique nocturne, riche
en contrastes chromatiques, où le gracieux s’allie
souvent au monstrueux, et qui doit autant au Surréalisme qu’au Symbolisme et à l’Expressionnisme,
voire au Romantisme allemand. Ce n’est pas un hasard si, durant son séjour à la Villa Air-Bel en 1940,
Masson illustra l’une des cartes du Tarot Surréaliste
avec le portrait du poète Novalis.
L
dessin préparatoire
aux Antilles
’exposition que lui consacre
le musée Cantini, en cette
fin d’année, obéit à une double
postulation. Elle est d’abord un
hommage mérité à cette haute
figure de l’art moderne ; hommage d’autant plus justifié que le
musée s’enrichit, à cette occasion,
Nu au soleil
de la donation d’un dessin préparatoire à « Antilles » sans doute l’un des tableaux-phares de Masson. Mais
elle entend aussi honorer Varian Fry, journaliste et
diplomate américain, en poste à Marseille en 1940,
dont l’action courageuse permit à bon nombre de
proscrits et d’artistes d’échapper à l’étau nazi. C’est
grâce à lui qu’André Masson et sa famille purent
s’embarquer pour les États-Unis au printemps 1941.
À
travers les 16 tableaux et les 44 dessins qu’elle
rassemble au rez-de-chaussée du musée, dans la
salle principale, nous pouvons mesurer l’étendue des
dons de Masson, qu’on aborde cette exposition dans
une perspective historique ou non. Les différences
d’approches - et donc de périodes - sont néanmoins
sensibles et l’on comprend mieux, devant l’abstraction lyrique de certaines compositions, qu’il ait pu
influencer des artistes américains comme Jackson
Pollock et Arshile Gorky. Pour les familiers du
musée Cantini, elle est l’occasion de revoir et d’admirer des chefs-d’œuvres comme « Le Terrier »
(1946), avec ses tons assourdis, ou « L’âme de Napoléon » (1967), fourmillant et bariolé. D’en découvrir
d’autres aussi, comme cet « Oradour » (1944) inspiré par le massacre que l’on sait. Ses dessins - fusain,
encre, crayon gras - ne sont pas moins intéressants,
nerveux mais très construits et riches en associations
insolites, comme ce « Paysage Caraïbe » de 1941.
Visible jusqu’au 15 mars prochain, cette exposition sera
complétée par un second accrochage, entre le 17 mars et
le 24 juillet 2016. Elle s’accompagne d’une programmation
annexe (conférences, récitals, ateliers d’écriture) qui souligne
l’importance qu’elle revêt pour les Musées de Marseille. Voilà
de quoi donner des couleurs à l’hiver qui vient.
Enfant effrayé
ANDRÉ MASSON
Jusqu’au 15 mars 2016
Du mardi au dimanche, de 10h à 18h
MUSÉE CANTINI
19 rue Grignan, Marseille 6ème
_04 91 54 77 75
Antilles
Hiver 2015 _TM n°38
42
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