ToutMa ToutMa n°38 - Hiver 2015 / 2016 | Page 44

agenda L’EXPO TEXTE _Jacques LUCCHESI André Masson de Marseille à l’exil américain au Musée Cantini Le peintre P eu de peintres, comme André Masson (18961987) ont été autant associés à des mouvements et des personnalités littéraires. André Breton, bien sûr, mais aussi Georges Bataille, Micheil Leiris, Georges Limbour ou Antonin Artaud, firent souvent appel à lui pour illustrer leurs ouvrages et leurs revues. Entre eux, il y avait sans doute de l’amitié, mais aussi une communauté intellectuelle façonnée par l’expérience de la Grande Guerre et des multiples soubresauts qui agitèrent l’Europe durant la première moitié du XXème siècle. Car l’art d’André Masson, même s’il est souvent traversé par l’humour et l’érotisme, bruisse des tragédies dont il a été la victime et le témoin inspiré. Esthétique nocturne, riche en contrastes chromatiques, où le gracieux s’allie souvent au monstrueux, et qui doit autant au Surréalisme qu’au Symbolisme et à l’Expressionnisme, voire au Romantisme allemand. Ce n’est pas un hasard si, durant son séjour à la Villa Air-Bel en 1940, Masson illustra l’une des cartes du Tarot Surréaliste avec le portrait du poète Novalis. L dessin préparatoire aux Antilles ’exposition que lui consacre le musée Cantini, en cette fin d’année, obéit à une double postulation. Elle est d’abord un hommage mérité à cette haute figure de l’art moderne ; hommage d’autant plus justifié que le musée s’enrichit, à cette occasion, Nu au soleil de la donation d’un dessin préparatoire à « Antilles » sans doute l’un des tableaux-phares de Masson. Mais elle entend aussi honorer Varian Fry, journaliste et diplomate américain, en poste à Marseille en 1940, dont l’action courageuse permit à bon nombre de proscrits et d’artistes d’échapper à l’étau nazi. C’est grâce à lui qu’André Masson et sa famille purent s’embarquer pour les États-Unis au printemps 1941. À travers les 16 tableaux et les 44 dessins qu’elle rassemble au rez-de-chaussée du musée, dans la salle principale, nous pouvons mesurer l’étendue des dons de Masson, qu’on aborde cette exposition dans une perspective historique ou non. Les différences d’approches - et donc de périodes - sont néanmoins sensibles et l’on comprend mieux, devant l’abstraction lyrique de certaines compositions, qu’il ait pu influencer des artistes américains comme Jackson Pollock et Arshile Gorky. Pour les familiers du musée Cantini, elle est l’occasion de revoir et d’admirer des chefs-d’œuvres comme « Le Terrier » (1946), avec ses tons assourdis, ou « L’âme de Napoléon » (1967), fourmillant et bariolé. D’en découvrir d’autres aussi, comme cet « Oradour » (1944) inspiré par le massacre que l’on sait. Ses dessins - fusain, encre, crayon gras - ne sont pas moins intéressants, nerveux mais très construits et riches en associations insolites, comme ce « Paysage Caraïbe » de 1941. Visible jusqu’au 15 mars prochain, cette exposition sera complétée par un second accrochage, entre le 17 mars et le 24 juillet 2016. Elle s’accompagne d’une programmation annexe (conférences, récitals, ateliers d’écriture) qui souligne l’importance qu’elle revêt pour les Musées de Marseille. Voilà de quoi donner des couleurs à l’hiver qui vient. Enfant effrayé ANDRÉ MASSON Jusqu’au 15 mars 2016 Du mardi au dimanche, de 10h à 18h MUSÉE CANTINI 19 rue Grignan, Marseille 6ème _04 91 54 77 75 Antilles Hiver 2015 _TM n°38 42 Retrouvez tous nos reportages sur www.toutma.fr