ToutMa ToutMa n°38 - Hiver 2015 / 2016 | Page 16

vous PORTRAIT ENTRETIEN _Jacques LUCCHESI Frédéric Ortiz ou l’aventure du Théâtre Off Le cheveu a blanchi mais l’œil n’a rien perdu de sa malice et la passion perce toujours dans ses propos. Comédien, animateur et metteur en scène, Frédéric Ortiz est à l’origine d’une des plus singulières aventures théâtrales qu’ait connue Marseille : le Théâtre Off. Petit portrait en 4 questions. ToutMa : Avant d’être un métier, le théâtre a été pour toi une passion, un bouillon magique dans lequel tu es tombé dès l’adolescence ? Frédéric Ortiz : En effet. J’avais 12 ans et j’habitais alors dans le quartier de la Blancarde. Un professeur de mon collège y avait ouvert un club de jeunes. On y trouvait des ateliers d’émaux, de modélisme et aussi de théâtre. J’avais d’abord opté pour les modèles réduits mais l’animateur s’étant trompé de jour, je me suis retrouvé au cours de théâtre. J’ai rencontré un professeur qui s’appelait Alain Hillel, très moderne dans l’approche de cet art. Ce jourlà je suis monté sur la scène et j’ai su que c’était ce que je voulais faire dans la vie. De retour chez moi, j’ai demandé à ma mère de m’acheter un disque : « L’Avare » interprété par Michel Bouquet. Je me souviens l’avoir écouté des journées entières. TM : Puis il y a eu, peu à peu, ta professionnalisation et la création du Théâtre Off en 1984… FO : Au début des années 80, il n’y avait pas encore de petites salles à Marseille. La Criée venait d’ouvrir en 1981; le Gymnase était fermé, le Toursky était excentré et le Lenche démarrait à peine. Moi je ne voulais pas faire la tournée des salles pour présenter mes projets. Par chance, j’ai rencontré Andonis Vouyoucas qui animait un théâtre expérimental rue Grignan : l’Espace Massalia. Ce fut le déclic pour moi. J’aurai moi aussi mon propre lieu théâtral ! On a trouvé et retapé un local vacant au 14 quai de RiveNeuve, dans le porche d’un vieil immeuble marseillais. Anne-Marie Ortiz, mon épouse, était animatrice au service psychiatrique de la Timone. Avec quelques patients comédiens, on a débuté par un spectacle (déjà rodé à La le centreCogito’Z de Marseille Hiver 2015 _TM n°38 rencontre Criée) : « La folie est un coup monté ». Parallèlement, on a repris des pièces classiques, mais en les réactualisant. Une troupe d’élèves-comédiens s’est peu à peu constituée, de 1986 à 2004. J’ai formé ainsi une génération d’acteurs malgré bien des tracasseries administratives. TM : Ce théâtre de recherche avec les hôpitaux psychiatriques t’a amené par la suite à t’intéresser aux prisons et aux adolescents délinquants. FO : J’ai toujours considéré que le théâtre était un média, voire une main tendue et une bouffée d’oxygène. Au sortir de mes études de comédien-animateur, j’ai travaillé avec des aveugles et des malentendants. Ce théâtre « différent », qu’Anne-Marie menait déjà à la Timone, m’a passionné. Il implique d’autres bases, d’autres moyens et ça peut vous mener très loin. Assez vite, notre travail avec un public en souffrance a été reconnu sur le plan national. Par la psychiatrie, on s’est ainsi retrouvés à travailler avec les Baumettes puis avec l’Établissement Pénitentiaire pour Mineurs (EPM), ouvert en 2007 à la Valentine. Les ateliers ont débuté en 2008 puis, en 2010, nous y avons créé une résidence d’artiste : « le 4ème Mur ». Le travail avec ces jeunes reste, néanmoins, très délicat car à l’incarcération s’ajoutent les problèmes de l’adolescence. Il faut prendre en compte leur violence, savoir se remettre en question. Mais quel bonheur que de voir des gamins se découvrir acteurs et auteurs quand rien, socialement, ne les y prédisposait ! nous avons plusieurs spectacles en préparation, dont deux pièces de jeunesse de Georges Feydeau, « Par la fenêtre » et « Amour et piano ». Nous les répétons dans le local du quai de Rive-Neuve, devenu à présent « La Maison de Nina », une école de cirque qu’anime et dirige notre fille Sophie Ortiz. Par la suite, elles tourneront dans le circuit scolaire. Il y aura aussi des reprises comme « Étoiles jaunes » et « L’homme qui rit », d’après Victor Hugo avec Lionel Mazari dans le rôle du récitant. Depuis que nous avons fermé, en juillet 2014, le Laboratoire-Open du Panier, nous sommes devenus une compagnie itinérante. Et, en cela, nous restons fidèles à l’esprit du Théâtre Off : aller à la rencontre du public, le surprendre et l’amener là où il ne s’y attendait pas. Pour toute information _04 91 31 13 33 ou _06 81 80 00 96 TM : Comment se présente la saison 2015-2016 ? FO : Très bien. Outre nos activités pédagogiques à l’EPM et dans les lycées (écritures urgentes, formation d’acteurs), 14 Anne-Marie et Frédéric Ortiz lors d’un atelier Retrouvez tous nos reportages sur www.toutma.fr