ToutMa ToutMa n°37 - Automne 2015 | Page 20

histoire

LA GARE SAINT-CHARLES
TEXTE _ Jacques LUCCHESI
© E . Lacour

Les métamorphoses de la gare Saint-Charles

C ’ est la gare par excellence dans le cœur des Marseillais . Mais le chemin fut long pour parvenir à sa physionomie actuelle !
L ’ esplanade de la gare en 1845

Les innombrables voyageurs qui découvrent Marseille chaque année ne l ’ abordent pas tous par la mer . Beaucoup arrivent ici par l ’ avion , le car et le train . Pour ces derniers , la gare Saint-Charles constitue l ’ escale obligée de leur périple , d ’ autant qu ’ elle regroupe désormais la gare routière et les navettes qui desservent l ’ aéroport de Marignane . Comme dans la plupart des cités méditerranéennes , elle trône au-dessus du niveau de la mer - à 46 mètres exactement . Et son large escalier qui débouche sur le boulevard d ’ Athènes a longtemps représenté une descente vers les bas-fonds . À l ’ intérieur de ce vaste quadrilatère de béton , de verre et d ’ acier , c ’ est un mouvement humain incessant , tant vers ses 16 quais que vers les relais presse , les restaurants et les boutiques de mode qui forment son décorum depuis 2007 - année de sa dernière métamorphose . On y trouve même un piano pour les voyageurs mélomanes ainsi que 24 pins artificiels qui bordent cette longue halle ( 160 mètres ), préludes à la douceur méridionale . Au-delà de ces aspects commerciaux qui signent sa modernité , il y a tout simplement des trains , des rails et des caténaires , sempiternelles promesses d ’ ailleurs , invitations renouvelées au voyage auxquelles on ne cesse jamais d ’ être sensible .

Les débuts du chemin de fer à Marseille

Si le XX ème siècle fut assurément le siècle de l ’ automobile , le XIX ème fut celui du chemin de fer . L ’ invention de la locomotive à vapeur en 1804 devait progressivement révolutionner le rapport des hommes à l ’ espace , diminuant considérablement la durée des trajets , multipliant les possibilités de déplacements et de découvertes . Mais qui dit trains dit aussi des infrastructures pour les accueillir et les entretenir , orienter vers eux un public toujours croissant de voyageurs . Ce sera la fonction des gares , « ces nouvelles cathédrales de l ’ humanité » selon le mot de Théophile Gautier . Si Paris , dès 1840 , s ’ était doté de deux grandes gares ( Austerlitz et Montparnasse ), Marseille n ’ en possédait alors aucune , malgré un réseau ferroviaire local en expansion . Pour combler cette lacune la municipalité va lancer un appel à projets . Deux vont se détacher du nombre . Celui de Mathieu Kermaingant et de Franz Mayor de Montricher propose une gare de

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voyageurs , place Pentagone , et une gare de marchandises à la Belle de Mai . Celui de Paulin Talabot et Charles Didion la situe près de la place Bernard-du- Bois , avec une gare de fret à l ’ arrière du plateau Saint- Charles . Ce sera ce dernier que retiendra , en 1843 , le Conseil Supérieur des Ponts et Chaussées .
Charles Didion
De multiples transformations

Sous la houlette du jeune ingénieur Gustave

Desplaces , les travaux d ’ aménagement vont commencer sur la butte Saint-Charles . Celle-ci est alors occupée par de petites propriétés rurales , ce qui entraînera bon nombre d ’ expropriations . Il faut aller vite car la ligne Paris-Lyon-Marseille est déjà en chantier . Principale artère du réseau français , cette longue ligne - 863 km - va relier les trois grandes villes françaises et sera officiellement créée en 1852 . Le 8 janvier 1848 marque l ’ inauguration de la gare Saint-Charles ; mais sa construction complète ne sera achevée qu ’ en 1858 . Outre une zone d ’ arrivée au nord et une zone de départ au sud , elle se caractérise par une longue halle couverte pour abriter les voyageurs , des guichets , des salles d ’ attente et de bagages , une consigne , des toilettes et des messageries . Plus tard viendront s ’ ajouter un Terminus hôtel , un buffet et des bibliothèques . Pour la venue de l ’ Impératrice Eugénie en 1868 , on construira même un salon tout en glaces et en lambris - depuis longtemps disparu . Mais le trafic en hausse exponentielle sur la PLM ( devenue la Compagnie des Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée en 1857 ) va obliger la municipalité à de nouveaux travaux d ’ agrandissement . Le projet
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Paulin Talabot
de Joseph-Antoine Bouvard s ’ impose en 1882 . Il implique , notamment , la construction d ’ une halle unique de 8500 m 2 , une gare de marchandises près du boulevard Voltaire et d ’ une rotonde pour l ’ entretien des trains à la Belle de Mai . Mais les travaux ne débuteront qu ’ en 1893 pour s ’ achever trois ans plus tard . Ils allaient donner à la gare Saint-Charles une physionomie durable , même si , au siècle suivant , d ’ autres aménagements – en rapport avec le trafic routier et l ’ ouverture du métro - allaient encore la modifier .
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