ToutMa ToutMa n°36 - Eté 2015 | Page 6

people VOS STARS ENTRETIEN _Linda MESTAOUI PHOTO _Nicolas GUERIN khe na ton Écoute ce blues… Le temps fuit emportant avec lui nos souvenirs. Nos rêves éveillés se conjuguent, eux, encore au présent. Paris, un jour ensoleillé de mars, rencontre avec Akhenaton. Je suis en vie, son sixième album solo, puise son inspiration dans La pierre et le sabre d’Eiji Yoshikawa. Un ouvrage qui relate la vie romancée d’un célèbre samouraï japonais : Miyamoto Musashi. Au cours de son parcours initiatique, le guerrier s’arrête un instant sur un pont à Kyoto, pour contempler la beauté du paysage et déclare : « Je suis vivant ». Je suis en vie Def Jam / Universal. 19 titres, disponible depuis Novembre 2014. Mon cœur mis à nu L’americano Je suis en vie, c’est être dans l’instant où on le réalise. Avec le temps qui passe, la perte d’êtres chers, on s’aperçoit de la fragilité de la vie et de l’inutilité de certaines choses auxquelles on attache tant d’importance. La perception du temps change avec l’âge aussi. Depuis mes 20 ans tout s’est accéléré. Depuis le début des années 90, tout est allé très vite. Omar Khayam, poète persan du XIIe siècle, souligne très justement qu’il faut vivre parce que c’est un battement de cils. Omar Khayam : « Le Printemps doucement évente le visage de la rose ; Dans l’ombre du jardin, comme un visage aimé est doux !
 Rien de ce que tu peux dire du passé ne m’est un charme ; 
 Sois heureux d’Aujourd’hui, ne parle pas d’Hier... » Tous mes oncles et tantes sont Américains. Mes arrière-grands-parents sont Américains, ils ont quitté Brooklyn pour rentrer en Italie à la suite d’un événement tragique, un incendie qui a coûté la vie à tous leurs enfants. Sauf celle de mon grand-père qui était dans le ventre de sa mère. Dans le titre Soldats de fortune, je dis « On chante parce qu’on est heureux d’être tristes ». Les Napolitains c’est un peu ça. C’est un mélange de Français, d’Arabes, d’Espagnols. Les Espagnols ont occupé Naples pendant très longtemps. Et puis on a le volcan qui est au-dessus de nos têtes. Et à la différence des Siciliens dont le volcan n’est pas dangereux, le nôtre l’est extrêmement. Dans le dialecte napolitain, la conjugaison au futur n’existe pas. Le passé existe, le futur est tourné par le présent de façon à pouvoir évoquer le futur mais cela reste du présent. Reste auprès de moi une journée Au fil des souvenirs Souris encore… Le morceau dédié à ma fille est très important à mes yeux. On est très complices. Pendant toute son enfance, j’avais une petite personne accrochée à mon cou... On est extrêmement proches. Pendant les repas de famille le soir, on parle beaucoup, c’est essentiel. Réussir sa révolution dans sa famille, c’est aussi réussir sa révolution pour la société. Mon épouse fait partie des gens qui m’ont ramassé en lambeaux par terre et qui m’ont permis d’avancer. Quand je l’ai connue je ne faisais pas de disques, on était à 30 dans mon appartement et on jouait aux jeux vidéo. Les mecs seuls restent très longtemps des gamins. Je me revois écouter avec mes potes à New York, en 1992, I’m still in love with you d’Al Green. L’un d’entre eux me conseille de sampler le morceau. Et je réalise, aujourd’hui, que tous les gars avec qui j’étais dans la pièce ce jour-là, sont morts. Tous. Et de mort violente. New York, de 1984 à début 1993, était une ville très violente. En 1988, à 20 ans, je fais les backs d’Eric B. & Rakim sur leur titre Microphone Fiend, et je les retrouve vingt-sept ans plus tard pour un concert à Central Park. En 2008, on fête les 20 ans du groupe IAM au pied des Pyramides, j’en avais les larmes aux yeux. M.A.R.S. Le secret de la longévité du groupe IAM Pour moi, Marseille c’est le New York raté. Ce qui a fait la force de New York c’est que les élus soient des immigrants, qu’ils accèdent à de hautes fonctions de juges, etc. La force de New York c’est que quand tu te ballades, tu croises des juifs de l’Est, des Italiens… Sur Atlantic Avenue, tu es dans le quartier marocain, tu t’assois, tu bois un thé, tu as les pâtisseries, tu es au Maroc. Des marocains à New York ! Et ce sont des New-Yorkais, ce ne sont pas des pièces rapportées. Les Italiens, pendant longtemps, étaient des pièces rapportées à Marseille. L’histoire de l’immigration italienne à Marseille c’est la plus douloureuse de toutes les immigrations. Là où NewYork a su passer sur son histoire violente et a construit, nous on y est encore. Je pense qu’on a su passer sous l’eau. Dans un parcours, tu as plusieurs étapes, il y a un moment où tu vas mettre les voiles et être sur les flots. Et il y a malheureusement des jours où il va y avoir des vagues et tu vas être sous l’eau. L’important, quand les vagues viennent, c’est que ta barque garde le même cap. On était aussi des passionnés, on n’a jamais confondu le rap avec Pôle emploi. Le rap a été notre premier amour culturel. On a grandi avec de la soul, de la pop, du reggae mais le rap était notre musique. Les années 90 ce sont mes années en or à moi. C’est l’époque des enregistrements de Planète Marseille, de L’école du micro d’argent... Ce sont des années magnifiques. Été 2015 _TM n°36 4 Retrouvez tous nos reportages sur www.toutma.fr