ToutMa ToutMa n° 42 - Novembre / Décembre 2106 | Page 22

histoire LES HOPITAUX TEXTE _Jacques LUCCHESI La longue histoire des hôpitaux marseillais Si Marseille peut s’enorgueillir d’un des meilleurs réseaux hospitaliers de France, le chemin fut long jusque là. Coup d’œil sur quelques-unes de ses principales étapes. Vestiges de l’hôpital Caroline, île du Frioul arler de l’hôpital, à Marseille ou ailleurs, c’est forcément parler de la misère et de son traitement par la société. C’est parler de l’accueil réservé aux plus faibles, vieillards, infirmes ou enfants abandonnés, et de la mise en œuvre d’une vertu évangélique : la charité. Car longtemps les hôpitaux - qui étaient alors des hospices - ne vécurent que des dons de particuliers. C’est parler davantage de réconfort que de médecine ; les anciens médecins ne faisaient souvent qu’y passer et n’avaient pas grand-chose à voir avec ceux qui y officient aujourd’hui dans un esprit affirmé de hiérarchie. Parler de l’hôpital sous son angle historique, c’est parler de bienfaisance mais aussi de contrôle et d’enfermement ; de tout temps, en effet, les pauvres ont représenté une menace pour le pouvoir. C’est parler de tout ce qui assombrit la condition humaine, mais aussi de ce qui l’adoucit et lui permet parfois de se transcender. A Marseille, cette histoire-là commence en 1188, avec la création de l’hôpital du Saint-Esprit par la communauté religieuse du même nom. De sa réunion avec l’hôpital Saint-Jacques-de-Galice naîtra, en 1593, l’Hôtel-Dieu - sans doute le plus célèbre des hôpitaux marseillais. Pendant plus de quatre siècles, adossé aux Accoules, il sera un centre actif d’enseignement et de soins avant de disparaître au tournant du troisième millénaire, pour renaître aujourd’hui sous la forme d’un palace. Le récit hospitalier se poursuit avec la Hôtel-Dieu léproserie de Saint-Lazare, la Vieille Charité et le couvent du refuge, symbole de la répression des prostituées au XVIIème siècle. Il évoque le souvenir de l’hôpital des galériens, sur l’actuel cours d’Estienne d’Orves, et celui des différents lazarets qui, aux abords de la cité, séparaient du reste de la population ceux qui avaient été victimes d’une épidémie - peste, typhus ou choléra. Il faut visiter, fort de ce savoir, les vestiges de l’hôpital Caroline, sur l’île du Frioul. Un autre de ses grands moments est certainement la fondation, en 1893, de l’institut antirabique du Pharo : il s’affirmera au fil des décennies comme un haut lieu de l’enseignement médical, particulièrement dans le champ de la médecine tropicale. Sans oublier, en 1904, l’ouverture de la première maternité, à la Belle de Mai. La première guerre mondiale et son impressionnant cortège de blessés réactiveront cet esprit de bienfaisance publique dont l’hôpital Saint- Joseph est, aujourd’hui encore, l’un des héritiers. Enfin ce sera, en 1939, la création de l’Assistance Publique de Marseille, au terme d’une progressive émancipation de l’hôpital vis-à-vis de la tutelle religieuse. La refonte, en 1958, de l’institution hospitalière verra l’émergence des CHU, où l’enseignement universitaire et la recherche médicale voisinent les services spécialisés au sein d’un même établissement. Si, dans l’hôpital moderne, le traitement - souvent victorieux - des maladies a depuis longtemps pris le pas sur la prise en charge des déshérités, un risque majeur le guette en ce début du XXIème siècle : l’exigence outrancière de rentabilité à travers, notamment, la compression de ses effectifs et la commercialisation des actes engageant la santé des patients. Renouera-t-il jamais avec cet esprit altruiste qui accompagna ses débuts ? Quoiqu’il en soit, nous avons choisi de porter notre regard sur quatre d’entre eux, particulièrement significatifs de cette évolution. Vieille Charité Photo ©Karim Saari P L’hôpital Sainte-Marguerite C ’est le fleuron hospitalier du secteur sud, auquel sont désormais rattachés l’hôpital Salvator et le centre Paoli-Calmettes. Sa naissance, au milieu du XIXème siècle, fut longue et compliquée. Il fallait alors désengorger l’hôpital de la Charité, au Panier. En 1861, le conseil municipal prend enfin l’affaire au sérieux. Il fait l’acquisition d’une grande propriété rurale, la Campagne Lafon dans le quartier Sainte-Marguerite : bientôt s’y adjoindra la propriété des Guis. Pourtant, les travaux ne vont vraiment commencer qu’en 1885 ; pour s’arrêter, un an après, par manque d’argent… Une loterie, imaginée et organisée par le docteur Metaxas, rapportera 2 176 000 francs d’alors - soit l’équivalent de 6 631 330 €. Malgré un différend sévère entre Metaxas et le président de la commission administrative, Aristide Vidal-Naquet, les travaux de construction vont reprendre pour s’achever en1897, avec son inauguration. L’hôpital Sainte-Marguerite va d’abord fonctionner comme un hospice accueillant les vieillards et les invalides puis, un peu plus tard, les blessés de guerre. En 1934, il s’enrichit d’un service de médecine et d’un autre de chirurgie. Ce n’est qu’en 1958 qu