Atypeek Mag N°1 | Page 41

ATYPEEK MAG # 02 JANV ./ FEV ./ MARS 2017 41
Le premier disque est un vinyle qui sort en 1979 , sur lequel on trouve votre hymne « Boule ( viens ici !) ». On dirait que c ’ est ce morceau qui a véritablement lancé le projet Ptôse et vous avez vous-même fait en sorte de nourrir un culte autour de cette chanson , la reprenant de manière presque obligatoire sur chacune de vos parutions . Le morceau a également fait l ’ objet de nombreuses reprises par des groupes prestigieux ( Renaldo & the Loaf , DDAA , Legendary Pink Dots , The Grief , jusqu ’ aux texans d ’ Oblong Boys ), dont une cassette sortie par vous-même . « Boule » c ’ est pour vous un morceau ultra-mégalo , une boutade géniale , votre étendard et votre fardeau ? Pouvez-vous revenir sur sa genèse ?
En complément de nos expérimentations minimalistes , nous avons très vite eu envie de créer un morceau qui serait un condensé du vide inhérent aux hits pops , tout en fonctionnant comme un puissant « Orhwurm » ( un ver d ’ oreille ). Après différents tâtonnements pour trouver les paroles les plus simples et les plus bêtes possible , puis atteindre le minimalisme musical visé et nous assurer , par des tests sur des volontaires , de l ’ effet persistant des impacts auditifs : « Boule ( viens ici !) » était né . Malheureusement , en ces temps pré-internet , nous ignorions l ’ existence du risque psychologique viral identifié en 76 par Richard Dawkins … Notre exposition prolongée lors du processus de fabrication de ce « même » musical a eu des conséquences lourdes sur notre intégrité créative . Non seulement elle nous a entraînés à reproduire à l ’ infini cette chanson infernale , mais aussi à pousser d ’ autres à l ’ interpréter , pour favoriser sa diffusion par tous les moyens !
© Mark Beyer
“ Ironiques et immatures ( au sens Gombrowiczien ), c ’ est comme cela que nous percevions nos productions ”
Le choix d ’ un nom de groupe aussi fort était-il lié à l ’ esthétique punk / post-punk et son sens de la provocation ?
Le choix du nom était effectivement un indice de notre volonté de provoquer , mais à l ’ époque il ne signifiait rien pour la majorité des gens , alors qu ’ aujourd ’ hui une recherche sur Internet ramène instantanément beaucoup d ’ images !
D ’ emblée , vous avez opté pour une approche minimale du son , vous avez laissé la technique de côté et une grande part de votre travail se rapproche des musiques nouvelles ou expérimentales ( la cassette Handmade Electronics ). Cela était-il aussi dû à votre manière de travailler , entre frères , en home studio , avec une attitude très DIY ?
Ptôse est un groupe profondément influencé par l ’ esprit DIY , c ’ est cela qui nous a d ’ ailleurs poussés à publier nous-même notre musique , à la diffuser par des réseaux parallèles et à réaliser des compilations des artistes que nous appréciions , au lieu de chercher à être pris en charge par une maison de disques .
Dès 1980 , Ptôse s ’ associe à PPP ( Ptôse Production Présente ) et vous vous lancez pleinement dans l ’ art de la cassette , avec des packagings géniaux ( Moxisylyte N dans une boîte de médicaments , AG 5 dans un emballage d ’ entrecôte , etc .). Pouvez-vous revenir sur les motivations qui vous ont amenés à vous lancer dans le mail art et tous ces emballages étranges ? Étiez-vous proches de l ’ approche plastique du son que développaient DDAA et Illusion Production par exemple ?
Outre l ’ accessibilité de la duplication , l ’ intérêt du format cassette pour nous était sa capacité à s ’ intégrer facilement dans des packagings improbables , inaccessibles au vinyle . À l ’ époque , la musique était un produit physique à diffusion lente et la création de ces objets était un exercice très agréable , tout comme le plaisir de les découvrir pour ceux qui se donnaient la peine de les acheter . Nous avons très tôt échangé avec DDAA & IP dont nous aimons beaucoup la démarche artistique même si elle était plus formalisée et résolument esthétique , comparée à la nôtre , ironique et brouillonne .
Dans ces réseaux cassettes , les sonorités étaient souvent minimales , industrielles et expérimentales , mais Ptôse a toujours été bien plus accessible . Comment définissiez-vous votre musique ?
Nous avons toujours cherché à faire simple et à nous amuser tout en conservant une apparence de sérieux . Naturellement , notre approche en live était souvent moins maîtrisée et plus expérimentale que la musique réalisée en studio … Ironiques et immatures ( au sens Gombrowiczien ), c ’ est comme cela que nous percevions nos productions .