Atypeek Mag N°1 | Page 33

“ le punk rock , est assez vieux pour être perçu comme une forme de “ roots music ”

C ’ est cette forme de tradition qui me semble nécessaire pour créer de la roots music . C ’ est presque ironique que le style de musique auquel je suis associé , à savoir le punk rock , est assez vieux pour être perçu comme une forme de “ roots music ”. J ’ ai pu observer certaines des chansons que j ’ ai écrites il y a 35 ans se faire transmettre à une nouvelle génération . C ’ est un phénomène fascinant .
Est-ce que tu avais l ’ idée de ce son en tête depuis le début de l ’ écriture ?
J ’ ai écrit 9 des 10 chansons sur Millport , sur Cold as the Clay j ’ en avais écrit que 5 sur les 11 . La production est plus présente sur cet album , Brett Gurewitz avait une idée claire de ce qu ’ il voulait niveau production . On a pu tester le son sur l ’ album précédent avec Brett , vu que les titres que j ’ avais écrits avaient une formation complète . L ’ album a une plus grosse production que la musique traditionnelle , un peu dans la veine de ce qu ’ on appelle “ country Rock ”, popularisé par les enregistrements de Laurel Canyon à Los Angeles dans les années 1970 .
Sur le premier titre j ’ ai noté un type de langage qui ne serait pas passé dans une chanson de Bad Religion , comme “ Now the years flew by so swiftly and I can ’ t say they was kind ”.
C ’ est très bien vu . Tout ce que je peux dire c ’ est que pour ma famille , plus particulièrement du côté de ma mère , cette manière de parler est plutôt répandue . La famille du côté de ma mère vivait dans les contrées rurales d ’ Indiana et c ’ est comme ça qu ’ on parle là-bas ( rire ). Il y a beaucoup de ça . Sur Echo on the Hill je dis “ We ’ ll soon be warshed in the light of a new day ”, parce que du côté de mère on dit “ warsh ” ( rire ). Ils ajoutent un “ r ” à “ wash ” ( laver ). T ’ as sûrement raison , ce genre de langage ne finirait pas sur un album de Bad Religion . Ceci dit , ce sont les éléments stylistiques d ’ un certain genre qui le font avancer . Les conducteurs d ’ un certain style de musique se trouvent aussi dans la prononciation .
Tu as sorti 3 albums solo , un à peu près tou les 10 ans depuis 1997 . Pourquoi aussi peu d ’ albums comparés à ta carrière prolifique avec Bad Religion ?
C ’ est surtout une question de temps et de disponibilité . Avec l ’ âge je ferai peut-être moins de tournées mais pour l ’ instant on reçoit toujours autant d ’ offres . C ’ est compliqué , d ’ autant plus que mon travail universitaire et les livres que j ’ écris m ’ accordent encore moins de temps pour faire des albums solo . J ’ espère que j ’ aurais encore l ’ occasion d ’ en faire , j ’ en tire beaucoup de plaisir .
Un des termes les plus récurrents dans l ’ actualité est celle du “ politiquement correct ”. Alors que les musiciens dans le punk jouent sur cette ligne avec leurs textes , tes paroles ont toujours gardé de la distance à l ’ égard de discours polémistes et provocants . Est-ce une forme de rejet délibéré ou plutôt le résultat de ton style naturel d ’ écriture ?
Je dirais que c ’ est un peu des deux . Ton observation est juste . Nous n ’ avons jamais été ouvertement politiquement engagés . Il faudrait que tu parles à mon co-auteur Brett Gurewitz pour une réponse plus exhaustive , on a nos divergences sur la question . Ceci dit , je pense pouvoir affirmer en mon nom ainsi qu ’ au sien que la caractérisation de Bad Religion en tant que groupe “ politique ” est erronée . On s ’ est toujours intéressés à des sujets plus philosophiques , des questions intemporelles qui dépassent beaucoup d ’ évènements politiques . Ce qui est populaire à une certaine période ne doit pas entrer en jeu dans ces questions plus larges . Si tu sors une chanson qui s ’ appelle “ Fuck Trump ”, ça va sonner un peu con dans 5 ans quand il sera destitué ou je ne sais quoi ( rire ). Ça ne fera pas de superbe morceau intemporel . Je crois qu ’ on s ’ est toujours engagés à creuser sur ces questions , pour écrire des chansons qui pourront être transmises à travers les générations , des contributions dans la culture musicale punk .
Est-ce que tu crois au “ politiquement correct ” ?
Il y a une différence entre “ politiquement correct ” et “ philosophiquement correct ”, tu vois ce que je veux dire ? Je me suis toujours tenu à l ’ écart du concept du “ politiquement correct ”. En d ’ autres termes , on ne traite pas les femmes
avec respect parce que c ’ est “ politiquement correct ”, on les respecte parce qu ’ il y a des raisons de base philosophique et éthique derrière . Ça n ’ a rien à voir avec la politique . Je suis toujours confus quand on me parle du “ politiquement correct ”.
Tu fais usage assez rarement de termes vulgaires dans tes paroles . Le dernier album de Bad Religion avait un morceau qui s ’ appelle Fuck You , ( qui existe également en version “ clean ”). Quel est ton regard sur ton usage de la vulgarité dans tes textes ?
Je pense que quand j ’ étais plus jeune c ’ était moins toléré . J ’ étais juste un gamin qui voulait faire le rebelle , il y avait certainement un peu de ça . Sur le dernier album , Fuck You était un bon exemple où on adressait les réalités philosophiques derrière le slogan “ Fuck you ”. La chanson questionne la validité de l ’ expression et fait remarquer son usage un peu pavlovien . On s ’ est servi des sciences pour expliquer pourquoi “ Fuck You ” est un atout précieux dans notre culture . D ’ un autre côté , ça peut aussi te causer beaucoup d ’ ennuis ( rire ).
Pour rapidement évoquer l ’ actualité récente des États-Unis : qu ’ as-tu retiré des évènements récents depuis novembre dernier ?
C ’ est terrible pour la démocratie , mais il y a eu des précurseurs à ces évènements depuis des années .
Greg Graffin © Anthony St . James
ATYPEEK MAG # 02 JANV ./ FEV ./ MARS 2017 33