Atypeek Mag N°1 | Page 191

séléctions POTEMKINE Date de sortie : 2 novembre 2016 De : Roy Andersson Avec : Nils Westblom, Holger Andersson, Lars Nordh Genre : Comédies noires Nationalité : Suédois COFFRET ROY ANDERSSON (2016) Inclus A Swedish Love Story (1969), Chansons du 2 e étage (2000), Nous, les vivants (2007), Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence (2014) Si l’œuvre de Roy Andersson reste associée à un humour absurde et des tragicomédies poétiques, son parcours est tout de même assez singulier. En effet, entre 1975 et 2000, le réalisateur suédois ne réalisera que deux courts métrages (Quelque chose est arrivé, Monde de gloire), se consacrant entièrement au monde de la publicité dans lequel il est particulièrement créatif. C’est véritablement avec Chansons du 2 e étage, prix du jury à Cannes en 2000, que le public français commencera à s’intéresser à ce cinéaste sans pareil. Le film aligne les tableaux et les plans séquences, avec une esthétique épurée, froide, décolorée, où tous les personnages possèdent des teints blafards et cadavériques. Ces saynètes du quotidien mêlent humour noir, surréa- lisme et une certaine forme de théâtralité figée dans Date de sortie : 4 novembre 2014 (1h33) De : Werner Herzog Avec : Klaus Kinski, Ruy Guerra, Helena Rojo Genre : Aventure Nationalité : Allemand AGUIRRE, LA COLÈRE DE DIEU (1972) de Werner Herzog En 1560, une expédition espagnole quitte les hauts plateaux péruviens pour s’enfoncer dans la forêt amazonienne à la recherche du mythique Eldorado. L’entreprise est démente mais Aguirre, commandant en second, refuse de renoncer. Il renverse son chef et des décors totalement construits en studio. Le Village Voice parlera d’un Bergman version slapstick, d’autres évoquent Beckett, mais c’est surtout aux figurines de l’espagnol Isaac Cordal que l’on pense, avec ses sculptures miniatures d’hommes grisâtres qui semblent porter le poids d’une aliénation. Un détenu est mené à la chaise électrique. Un singe est torturé alors qu’une femme juste à côté s’inquiète d’un parent au téléphone. L’humain y est saisi par tout un tas d’angoisses. Dans Nous, les vivants, une femme pleurniche sans cesse, alors que dans Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence, des clowns tristes et dépressifs tentent de vendre des farces et attrapes pour apporter un peu de bonne humeur aux gens. Certaines scènes sont de purs bijoux d’hilarité, comme ce cours de flamenco où l’enseignante ne peut réfréner son désir, cette vieille sur son lit de mort qui ne veut lâcher son sac plein de bijoux ou cette serveuse qui ne sait que faire de la commande d’un client qui vient de faire un arrêt cardiaque. Dans ces fragments poly- phoniques, il y a presque quelque chose d’orchestral ou de l’ordre de la comédie musicale. Les personnages témoignent tous de notre caractère éphémère, minus- cules dans ces décors avec une grande profondeur de champ. Le burlesque et le cocasse se teintent de spleen. Dans ces bars, ces rues, ces appartements, ils sont ensemble mais toujours définitivement seuls, tellement accablés et zombifiés qu’ils en deviennent drôles, tétanisés par la vie comme cet homme pétrifié dans un muséum d’histoire naturelle, et dont l’image forte et superbe sert de couverture au DVD d’Un pigeon. Ah la vie, quelle blague ! (ML) prend la tête du groupe. Dès lors, ses hommes devront le suivre, quoi qu’il en coûte, jusqu’au tréfonds de sa folie. Dès la scène d’ouverture — la procession des conquérants, minuscules silhouettes sur les flancs d’une montagne gigantesque surgissant des brumes —, Herzog donne aux paysages une place écrasante. Dans ce décor grandiose, il arbitre non sans cruauté le combat inégal entre les hommes et la nature. De naufrages en attaques d’Indiens, ce chef-d’œuvre au lyrisme cru a toutes les apparences d’un film d’aven- tures. Il est bien plus que cela : une charge inspirée contre la furie d’un monde gangrené par la volonté de puissance et le rêve de pureté qui en découle. Poème hypnotique, épopée tragique, Aguirre est aussi, comme Fitzcarraldo, tourné dix ans plus tard, le portrait saisissant d’un explorateur mégalomane et illuminé. Vampirisé par son personnage, Klaus Kinski fascine jusqu’à la fameuse scène finale. Les yeux exorbités, le corps défait, l’acteur erre parmi les singes et les cadavres. Pathétique souverain régnant sur son « radeau de la Méduse »,